Retour

COVID-19 : Petit rappel des obligations d’information des agences de voyages

Le contexte actuel lié au COVID-19 nous permet de rappeler en quelques lignes, les obligations des agences de voyages en matière d’information de leurs clients.

Ces obligations, très spécifiques, sont dictées par le code de la santé publique principalement par l’article L.3115-7 du code de la santé publique (ancien article L.3115-2 du CSP mis en place par la loi du 21 juillet 2009) reproduit ci-dessous :

« En cas de voyage international, les exploitants de moyens de transport, d’infrastructures de transport et d’agences de voyages sont tenus d’informer leurs passagers ou leurs clients des risques pour la santé publique constatés par les autorités sanitaires dans les lieux de destination ou de transit. Ils les informent également des recommandations à suivre et des mesures sanitaires mises en place contre ces risques.

En cas d’identification d’un risque sanitaire grave postérieurement à un voyage et pour permettre la mise en place des mesures d’information et de protection nécessaires, les exploitants mentionnés au premier alinéa sont tenus de communiquer aux autorités sanitaires les données permettant l’identification des passagers exposés ou susceptibles d’avoir été exposés au risque ».

L’article R.3115-3 5° du même code définit le « risque pour la santé publique » comme « la probabilité d’un événement qui peut nuire à la santé des populations humaines, plus particulièrement d’un événement pouvant se propager au niveau international ou présenter un danger grave et direct ».

L’article R.3115-68 du code de la santé publique prévoit enfin que l’évènement sanitaire grave, inattendus ou inhabituels doit répondre à l’un des critères suivants :

« 1° Un événement pour lequel le nombre de cas ou de décès est élevé pour le lieu, la période et la population considérée ;

2° Un événement pouvant avoir d’importantes répercussions sur la santé publique ;

3° Un événement causé par un agent, une source, un vecteur ou une voie de transmission inconnus ou inhabituels ;

4° Un événement pour lequel l’évolution des cas est plus grave que prévu ou s’accompagne de symptômes inhabituels ;

5° Un événement dont la survenue est inhabituelle pour la zone, la saison ou la population ;

6° Un événement causé par une maladie ou un agent qui ont déjà été éliminés ou éradiqués dans la zone géographique concernée ou qui n’ont pas été signalés précédemment ».

En l’espèce, il est indéniable que le COVID-19 répond au moins à l’un des critères posés par cet article et constitue un risque pour la santé publique (CA, PARIS, Chambre 25 section B, 25 Septembre 1998[1]).  En conséquence, les agences de voyages sont tenues d’informer les voyageurs/clients de ces risques, des recommandations à suivre, et des mesures sanitaires mises en place pour le gouvernement français.

Si l’article R 3115-66 du code de la santé publique précise que les conditions et modalités de diffusion de ces informations sont fixées par arrêté des ministres chargés de l’agriculture, des affaires étrangères, de la santé, du tourisme et des transports, l’arrêté du 5 novembre 2013 pris en application de ce texte ne prévoit aucune modalité particulière. En pratique cette information peut donc être effectuée par tous moyens et à chaque passager en provenance ou à destination de zones dangereuses (mailing et site internet de l’agence de voyage par exemple).

Sur le contenu des informations à fournir en elles-mêmes, il est fortement recommandé de faire directement références aux sources d’informations officielles locales. En l’espèce, le site du gouvernement «https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus» répertorie les informations essentielles relatives au coronavirus, notamment les consignes sanitaires et les conseils à donner aux voyageurs. Il est également possible de se référer au site officiel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/ (CA Nancy 1ère civ, 22 Nov 2010 – n°09/00003 – Dengue[2]).

Enfin et quant à la sanction de l’absence d’information prodiguée aux clients, il ressort de la jurisprudence que la responsabilité de l’agence de voyage pourrait dans ce cas être engagée (CA Paris, 8e ch., sect. A, 29 juin 2006, SARL Alara c/ Dulac Gérardin[3]).

Pour aller plus loin dans l’analyse :

Si l’épidémie/la pandémie se déclare dans le pays de destination après le départ du client, l’agence à l’obligation d’informer ses clients sur place qu’ils devront se conformer aux décisions prises par les autorités locales.

Si par extraordinaire, un des clients venaient à être contaminé une fois sur place, l’agence doit prendre toutes les dispositions pour permettre au client d’être examiné par un médecin, (ii) l’assister dans ses démarches, (iii) informer sans délai la compagnie d’assurance chargée du rapatriement si le client en a souscrit une et enfin (iv) informer les autorités sanitaires françaises des coordonnées du client exposé. Il s’agira de parvenir à prouver que l’agence a eu une réelle attitude active pour venir en aide aux clients.

[1] CA, Paris, Chambre 25 section B, 25 Septembre 1998 : Epidémie de peste. Les clients d’une agence de voyages, qui avaient réservé une croisière autour du monde, ne peuvent demander, avant leur départ, l’annulation du contrat et la restitution du prix payé, en raison de l’annonce d’une épidémie de peste dans une région voisine d’une escale prévue dans leur voyage. En effet, cette annonce ne constitue pas un cas de force majeure dès lors que l’épidémie ne présentait aucun caractère de certitude ou de gravité suffisante, qu’aucune consigne n’avait été donnée aux compagnies aériennes ou aux agences de voyages pour éviter la région en cause, et qu’en tout état de cause la protection contre un risque de contagion pouvait être assurée par la prise d’un traitement antibiotique préventif et qu’un médecin accompagnait le groupe de voyageurs. Au surplus, l’obligation de sécurité à la charge de l’agence de voyages ne prenait naissance que pendant le déroulement du voyage.

[2] CA Nancy 1ère civ, 22 Nov 2010 – n°09/00003 : Dengue – des clients avaient réservé un séjour et sollicitait la résolution du contrat en raison d’une épidémie de Dengue survenue en Martinique. Au regard de la documentation transmise par les parties au soutien de leur demande, il ressortait que l’épidémie ne présentait pas un caractère imprévisible et qu’à cette période cette maladie a concerné environ 5 % de la population. La cour a rejeté le caractère irrésistible de cette épidémie. En revanche et s’agissant de l’obligation d’information pesant sur l’agence de voyage, la cour a considéré que l’information communiquée par l’agence ne correspondait donc pas totalement à la réalité décrite par la source d’information officielle à laquelle il lui suffisait de faire référence. Elle a poursuivi son raisonnement en déclarant que si le manquement à l’obligation d’information commis par l’agence est réel, il s’apprécie au regard de l’accès aisé à une information officielle et quotidienne sur l’épidémie de Dengue pouvant être confrontée et comparée avec des données émanant de sources diverses, et du faible pourcentage de la population effectivement concernée par l’épidémie, soit environ 5%. En effet, le client n’a pas contesté avoir eu un large accès à une information diversifiée et n’a pas démontré que les quelques renseignements communiqués par l’agence avaient joué un rôle prépondérant dans son processus de décision.


[3] CA Paris, 8e ch., sect. A, 29 juin 2006, SARL Alara c/ Dulac Gérardin : Épidémie de SRAS – l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), demandent le remboursement des sommes versées et soutiennent que c’est l’agence de voyages elle-même qui aurait dû, en application de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1992, annuler le séjour sans conséquence financière pour les clients. En effet, ce texte n’est pas applicable en l’espèce, puisqu’il n’existait pas, à la date prévue pour le séjour (du 15 au 26 avril 2003), un risque sanitaire en Thaïlande constituant un événement extérieur imposant au vendeur d’annuler le voyage. Il ressort du communiqué de la direction générale de la santé du 1er avril 2003 que les voyages n’étaient déconseillés que vers Hong-Kong et la Chine. Le communiqué de l’ambassade de France en Thaïlande du 10 avril 2003 confirmait qu’aucun cas de transmission locale du SRAS n’avait été observé. Les mesures imposées par les autorités locales (contrôle médical imposé à l’entrée sur le territoire, port de masques pendant le séjour), pour peu agréables qu’elles fussent, ne pouvaient entraîner l’obligation pour l’agence de voyages d’annuler le circuit. Cependant, en ne souscrivant pas une assurance annulation pourtant facturée, l’agence de voyages a manqué à ses obligations contractuelles et a fait perdre aux clients une chance d’obtenir une indemnisation à la suite de l’annulation de leur voyage. Cette perte de chance doit être évaluée à 800 € pour chaque client.